dimanche 1 juin 2008

au fil d'une écoute... le concerto n° 2 de Brahms

Petit moment musical en 4 temps pour ce concerto qui se prend pour une symphonie. Un concerto virtuose dont je me propose de vous donner un avant goût, en quelques mots bien maladroits, qui ne savent pas dans quel sens se tordre pour ressembler à des notes de musique. L’exercice est périlleux, mais le thème mérite bien ce petit effort.
Le premier mouvement fait semblant de commencer en douceur, sur cette éveil du piano qui s’étire paresseusement, mais bien vite, déferlant de derrière l’orchestre, il rentre tout de suite dans le vif du sujet. Il ne s’agit pas de plaisanter, passons aux choses sérieuses ! Mais la suite se déroule entre hésitations, vacillements, les violons faisant semblant d’esquisser le thème, mais légèrement, avec l’air de ne pas y toucher. Des envolées grandioses ouvrent le champ, préparent le terrain au piano, qui semble y mettre de la colère, mais revient toujours à une page de douceur. C’est un va et viens constant entre rage et douceur, énergie et cette divine langueur que l’on retrouve à la cinquième minute, où tout s’éclaire le temps de quelques petites mesures, comme un temps d’arrêt plein de grâce et de tendresse. Et puis la mélodie prend son élan, s’énerve, revient, se calme, jusqu’à cette sublime 7° minute où il prend la parole, seul, comme pour régler son compte au monde entier, ou juste crier seul, face à l’impassibilité de toute la machine orchestrale ; « j’ai hurlé que les cieux me rendissent des comptes ! » dira Laforgue. Des éclats d’énergie soudains qui surgissent sans qu’on s’y attende, et ce perpétuel oscillement entre lumière et ombre, légèreté et pesanteur.
Mais ce thème ! Ce thème et tout le reste est superflu, ou valait seulement en ce qu’il préparait ce moment, sublime moment, magique, ou le cri déchire une deuxième fois la mélodie, où ces simples notes semblent s’adresser directement à l’auditeur, comme pour le prendre à parti, entre quatre oreilles si j’ose dire. Tout se résout, les hésitations, vacillement, craintes, dans cette plainte rageuse, cette révolte qui parvient enfin à se formuler. Tout l’orchestre, réuni par la suite dans une lancée victorieuse et presque trop clinquante, orgueilleuse, ne parviendra pas à la puissance de ces dix doigts affrontant seul un clavier.

Le deuxième mouvement ne laisse pas le temps de reprendre son souffle ; on est de nouveau assaillit par un thème envoutant et mélancolique, malgré toute la puissance déployée.
Les cordes interrompent délicatement ce moment, d’une voix lointaine, pour introduire un nouveau thème lancinant comme un souvenir, une réminiscence douloureuse. Folle course en avant, faussement joyeuse, pour ne pas regarder en arrière... et puis ces souvenirs qui se réveillent malgré tout, malgré de bruit de l’orchestre, et profitent du premier instant de silence pour insuffler leur mélancolie à tous les instruments, comme un insidieux et délectable virus. Même si la force semble l’emporter pour cette fois, ce qui expliquerait ces accords si fiers, qui étalent prétentieusement leur puissance. Et pourtant... il y a ces quelques secondes de pure douceur qui surgissent soudain, comme une déclaration d’amour tout à fait incongrue, un épanchement impossible à contenir, vite rattrapé cependant par un piano diabolique qui accélère d’autant plus la cadence, pour refréner au plus vite cette légère faiblesse et boucler le mouvement sur le thème de départ, avec trois fois plus de puissance.
Et puis, le mouvement lent. L’ouverture s’étend en longueur, suivie de ces quelques notes de piano qui se déploient infiniment lentement, avec une grâce infinie, et se répètent, s’étirent encore, jusqu’à un sommet d’où il se laisse glisser ensuite en douceur. Les sonorités prennent de l’ampleur, mais retombent bien vite. Dans un paysage désert, désolé, s’égarent une flute et un piano, une mélodie qui a perdu sa direction et qui rêve d’un autre pays, où se reposent quelques notes esseulées dans une promenade sans but, errant au hasard de la rêverie. Pourtant, quelque chose semble résolu, et la fin s’ouvre sur une aube nouvelle, comme réconciliée.
Enfin, enfin, le quatrième mouvement, pur moment de beauté, qui porte, emporte, comme un jeu, comme une valse folle, nos émotions malmenées pendant tout le concerto. Une nouvelle lumière, et tout s’agite allégrement, sautille, palpite. Déchainement des cordes, emportement à outrance (mais combien y a-t-il de violons ?!) Et là, surgit cette petite mélodie, drôle, légère, plus douce et sautillante qu’une comptine pour enfant, qui émeut comme une pureté retrouvée. Ce qui n’empêche pas l’ampleur des thèmes suivants, qui jouent néanmoins sur les échos ludiques de ce passage d’une grâce insensée. Jusqu’au point culminant du pianiste qui s’élève, emporte tout l’orchestre sur ses épaules, martèle cruellement les touches du piano, tragique et sublime, du Friedrich, avec son homme contemplant les nuages du sommet d'une montagne, sans rien oublier, la grandiloquence de la posture, le vent dans les cheveux... mais ca marche, ca marche, pauvres esprits romantiques que nous sommes ! Et cette mélodie espiègle et faussement naïve qui revient, plus diaboliquement sautillante que jamais, comme pour rappeler le caractère dérisoire de chaque destinée, toute tumultueuse et passionnée qu’elle soit. Les dernières notes nous achèvent d’une dernière secousse d’énergie et nous laissent, chancelant, sur le bord du chemin...

Bien sûr, bien sûr, Brahms est trop romantique... et mes écrits aussi sans doute. Je ne peux que vous encourager à aller l’écouter par vous même, en oubliant ces faibles mots, mes approximations, et mon parti pris tout à fait personnel. Bonne écoute
http://www.youtube.com/watch?v=gXgMJhqhvjg (Richter jouant les premières notes, pour vous donner un avant goût!)

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